Du 7 octobre 2022 au 17 mars 2023, l’Ambassade d’Australie met en lumière les oeuvres de l’artiste, Maree Clarke, à travers l’exposition Rituel et cérémonie, composée de quatre-vingt-quatre portraits en noir et blanc d’hommes et de femmes endeuillés, accompagnés de chapeaux de deuil Kopi (en argile blanche ou en gypse) et d’une œuvre filmée, intitulée « Cultural Activist ».
◆ Un engagement profond
Maree Clarke est une artiste contemporaine australienne en lien avec les communautés Mutti Mutti, Yorta Yorta, BoonWurrung/Wemba Wemba. Elle a grandi dans la ville de Mildura, au nord-est de l’état de Victoria et est devenue éducatrice dans les années quatre-vingt. Cette première carrière lui a apporté une expérience précieuse dans le développement de son travail artistique et dans son engagement pour les cultures autochtones. Elle est aujourd’hui une figure majeure de la scène artistique de Melbourne. À la fois photographe et vidéaste, elle pratique également la gravure, la sculpture et réalise des installations. Maree Clarke est passionnée par le partage de la culture aborigène du sud-est de l’Australie dans laquelle elle puise son inspiration. La préservation des mémoires intergénérationnelles des pratiques culturelles aborigènes est au cœur de son œuvre.
◆ La terre absorbe le chagrin
Ses œuvres exposées à l’Ambassade d’Australie présentent « les pratiques de deuil des Aborigènes vivant le long des rivières Murray et Darling. Elles parlent de la perte de la terre, de la langue et des pratiques culturelles ». Maree Clarke précise qu’elle a « travaillé avec des femmes aborigènes qui représentent les trente-huit tribus de l’État du Victoria. Les femmes sont vêtues de longues robes noires qui représentent nos pratiques de deuil actuelles, et les hommes portent des t-shirts noirs avec mon interprétation des cicatrices portées pour différents événements, y compris la perte d’un membre de la tribu. Les marques blanches sur les yeux des hommes et des femmes représentent les pratiques de deuil traditionnelles. Les quatre-vingt-quatre personnes ont eu l’occasion de partager leurs histoires de perte, de chagrin et de deuil ». Les photographies incarnent les différentes populations linguistiques des différentes communautés autochtones de l’état du Victoria et Maree a dû demander l’autorisation des anciens pour les présenter ainsi. Les chapeaux de deuils liés à la pratique Kopi Mourning cap, en gypse ou en argile, traduisent littéralement l’idée que celui qui perd l’un des siens « porte son deuil« . Cette pensée, présente dans les sociétés aborigènes, repose sur le concept de communauté plutôt que sur l’individu. Une expérience de deuil impacte la communauté entière autant que les individus qui la composent. Lorsqu’un membre décède, l’ensemble de la communauté se réunit pour partager ce chagrin. Ce processus est nommé Sorry Business et marque une longue période de cérémonies mortuaires.
◆ Activisme culturel
Dans la vidéo présentée lors de l’exposition, Maree Clarke parle de sa pratique artistique singulière. Elle raconte comment elle aime s’inspirer des pièces originales aborigènes présentes dans les musées et comment elle reprend les techniques ancestrales pour confectionner la plupart de ses œuvres… qu’il s’agisse d’un piège à anguilles de trois mètres, d’une couverture composée de soixante-trois peaux d’opossum cousues entre elles ou d’un collier de dents de kangourous imprimé en 3D ! Elle évoque également sa volonté de montrer à tous que les autochtones sont toujours présents au XXIe siècle et qu’ils ont survécu…
« Mon art consiste à régénérer les pratiques culturelles, à faire prendre conscience aux gens que nous sommes une culture vraiment forte, et que nous n’avons rien perdu », Maree Clarke
Jessica Baucher
* Crédit photo en tête d’article :
Installation view of Maree Clarke : Ancestral Memories open from 25 June – 3 October 2021 at The Ian Potter Centre: NGV Australia, Melbourne. Photo ©Tom Ross
* Pour aller plus loin :
– vidéo : Rituals and Ceremony de Maree Clarke
– vidéo : Ancestral Memories de Maree Clarke
– article d’Amélie Ward : L’argile absorbe notre chagrin. La revivification du rituel indigène Kopi Mourning Cap à Melbourne
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