Au Brésil se tient un procès historique devant le Tribunal suprême fédéral (STF) autour de la thèse du « cadre temporel ». Selon cette décision, les communautés qui ont été chassées de leurs terres pendant la période de la dictature ou avant celle-ci n’avaient droit à la reconnaissance que si elles avaient déposé une requête auprès du tribunal au moment de l’expropriation...
◆ Cadre temporel
Le procès du Marco Temporal (cadre temporel) qui se tient actuellement devant la plus haute juridiction du Brésil porte sur une thèse défavorable aux peuples autochtones en limitant leurs droits à la démarcation de leurs terres. Celle-ci affirme que les peuples indigènes n’ont droit à la conservation de leurs terres que s’ils peuvent démontrer qu’ils les occupaient au moment de la promulgation de la Constitution brésilienne, le 5 octobre 1988. Or, certaines tribus avaient été chassées de leurs terres pendant la dictature militaire entre 1965 et 1985. D’autres pratiquaient le nomadisme et n’étaient pas sur leurs terres ancestrales à cette date. Près d’un tiers des 764 territoires autochtones n’a pas été homologué à ce jour et ces terres sont convoitées par les grandes entreprises de l’agrobusiness, en particulier. Au Brésil, selon le dernier recensement, près de 900 000 autochtones appartenant à 305 ethnies constituent 0,4% de la population. Mais la ministre des peuples autochtones, Sonia Guajajara, estime la population autochtone à plus d’1,6 million de personnes. La plus haute juridiction du pays doit se prononcer sur un recours datant de 2016 à propos d’un territoire revendiqué par un peuple autochtone dans le sud du pays et pour lequel un tribunal régional a appliqué le cadre temporel afin de lui retirer une partie de la réserve. Ce procès est donc très important car la décision pourrait faire jurisprudence.
◆ Avancées
Les sessions tenues la semaine dernières au STF ont vu les votes des membres s’établir à quatre votes contre et deux votes en faveur du cadre temporel. Le procès reprendra le 20 septembre avec le vote des cinq membres restant, dont deux sont supposés acquis à la cause des indigènes. La majorité devrait donc rejeter la mesure, au grand soulagement des défenseurs des peuples autochtones. Dans l’entrefaite, le président Lula a signé le 5 septembre deux décrets pour créer de nouvelles réserves indigènes en Amazonie, couvrant plus de deux-cent-mille hectares. L’Acapuri de Cima est un territoire de 19 000 hectares où vivent environ 500 Kokamas, alors que le Rio Gregorio est un territoire de 187 944 hectares qui abrite environ 2000 membres des communautés Katukina et Yawanawi. Cette initiative répond à une promesse de campagne de Lula et vise à protéger les droits des peuples autochtones et à lutter contre la déforestation en Amazonie. Le gouvernement brésilien a également fixé un objectif de « zéro déforestation » d’ici 2030, mais cela nécessitera de résister au puissant lobby de l’agro-industrie. « Le peuple amazonien mérite que ses droits soient garantis et qu’il puisse mener une vie meilleure », a déclaré le chef de l’État brésilien lors de cette signature, ajoutant : « S’il n’y a pas d’avenir pour l’Amazonie et ses habitants, il n’y aura pas non plus d’avenir pour la planète ».
« La terre ne repoussera pas. La machine va déchirer la peau de la terre, elle est blessée, elle ne peut pas repousser toute seule. Ils espèrent que la machine va déchirer la peau de la terre, épuiser l’eau, puis qu’elle va se rétablir, redevenir bonne ? Je n’ai jamais vu cela. Jamais. (…) Mais si vous vous en occupez avant qu’elle ne pénètre dans le corps, si vous continuez à la nettoyer, elle guérit. Il en va de même pour la terre. Si vous òtez les opailleurs dès le début de leurs agissements, la terre peut reverdir », Davi Kopenawa Yanomami
Jessica Baucher et Jocelin Morisson
* Crédit photo en tête d’article : @Pixabay
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