Sélectionnée lors du festival Séries Mania, la chaîne Arte diffuse la première saison d’une série choc qui dénonce la politique d’assimilation forcée des autochtones au Canada qui a séparé des milliers d’enfants de leur famille. Little Bird est la première série à aborder ce sombre chapitre de l’histoire canadienne. Dirigée par la productrice autochtone Jennifer Podemski, cette œuvre, inspirée de faits réels, traite avec justesse les horreurs vécues par des milliers de familles des Premières Nations Inuits. En vertu d’une politique d’assimilation forcée, les services sociaux ont enlevé des enfants pour les faire adopter, souvent par des familles non autochtones. Cette fiction a suscité une vive émotion lors de sa diffusion au Canada et a ainsi obtenu dix-neuf nominations (dont celles de la meilleure série dramatique et de la meilleure actrice) aux prix Écrans canadiens, qui se tiendront à la fin du mois.

◆ Sixties Scoop
L’affaire des Sixties Scoop, souvent appelée « rafle des années 60 » en français, est une période de l’histoire canadienne marquée par le retrait massif d’enfants autochtones de leur foyer familial pour les placer dans des familles d’accueil ou les faire adopter par des familles non autochtones. Cette politique a été mise en œuvre dans le but d’assimiler les enfants autochtones à la culture dominante et de les éloigner de leurs racines culturelles et linguistiques. Les raisons derrière cette pratique sont complexes et incluent des motifs assimilationnistes, racistes et paternalistes. Les enfants étaient souvent retirés de leur famille sous prétexte de mauvais traitements ou de négligence, bien que dans de nombreux cas, ces accusations étaient infondées ou exagérées. Cette politique a eu des conséquences dévastatrices sur les enfants et leurs familles. Beaucoup ont été soumis à des abus physiques, émotionnels et sexuels dans leurs nouveaux foyers. Ils ont également été privés de leur identité culturelle, de leur langue maternelle et de leurs traditions. Cette perte de connexion avec leur communauté et leur culture a eu des répercussions intergénérationnelles, contribuant à des problèmes sociaux tels que la toxicomanie, la violence familiale et les difficultés d’adaptation. Cette affaire a suscité une prise de conscience croissante des injustices subies par les peuples autochtones au Canada et a conduit à des appels à la réconciliation, à la reconnaissance des droits des peuples autochtones et à des mesures de guérison et de réparation. En 2017, le gouvernement fédéral canadien a présenté des excuses officielles aux survivants de la « Sixties Scoop » et a mis en place un fonds de compensation pour les personnes touchées par cette politique.

◆ Healing the roots
La série Little Bird raconte les conséquences traumatisantes de cette pratique cruelle. L’histoire démarre à la fin des années 60, l’héroïne Bezhig-Little Bird, âgée de cinq ans, est enlevée de la réserve de Long Pine et adoptée par une famille juive à Montréal. À vingt ans, alors qu’on l’a renommée Esther Rosenblum depuis longtemps, elle décide de partir à la recherche de sa famille biologique et de sa soeur. Lorsqu’elle célèbre ses fiançailles avec son ami d’enfance David et qu’elle est sur le point de passer ses examens de droit, Little Bird se souvient à peine de ses origines. Mais au moment où elle surprend sa future belle-mère faire des commentaires désobligeants sur son origine non juive, des images longtemps refoulées refont surface. Elle quitte les lieux et part en quête d’elle-même et de ses racines… Une équipe remarquable de créatifs autochtones dirige et joue dans cette série bouleversante qui se penche en profondeur sur les questions de l’identité, du traumatisme et de la perte, tout en mettant en avant la puissance de la résilience.

À l’heure où l’humanité commence à se libérer du poids des traumatismes liés aux abus en tout genre et notamment aux abus sexuels, cette série montre avec finesse et subtilité l’importance de connaitre son histoire, aussi douloureuse soit-elle, pour trouver la paix en soi. Et n’est-ce pas l’accès à cette paix individuelle qui donne l’espoir d’une paix collective à venir ?

Depuis le jeudi 16 mai, la chaîne Arte a mis en ligne les six épisodes mais si vous préférez les découvrir petit à petit, le premier épisode sera diffusé le jeudi 23 mai à 21h45.

« Ce qui ne peut danser au bord des lèvres, s’en va hurler au fond de l’âme »,
Christian Bobin

Jessica Baucher

+ Crédit photo en tête d’article : Little Bird©ARTE