Les Massaï, peuple autochtone d’Afrique de l’Est, affrontent des expulsions massives et des violations de leurs droits en Tanzanie. En réponse à un programme de relocalisation controversé de plus de 80 000 Massaï dans la région de Ngorongoro, la présidente tanzanienne Samia Suluhu Hassan a annoncé la création de deux commissions d’enquête. Ces commissions, censées examiner les problèmes fonciers et l’accès aux services de base, visent à apporter des réponses aux préoccupations croissantes des communautés locales face aux expulsions imposées par le gouvernement.
◆ La lutte des peuples autochtones face aux expulsions et aux atteintes à leurs droits : le cas des Massaï en Tanzanie
Depuis des générations, les Massaï, peuple autochtone emblématique d’Afrique de l’Est, vivent en harmonie avec leurs terres ancestrale de la Tanzanie et du Kenya. Cependant, ces dernières années, leur existence même est mise en péril par des politiques gouvernementales et des intérêts économiques qui remettent en question leur droit fondamental à leurs terres. Ce combat met en lumière des enjeux cruciaux concernant les droits des peuples autochtones, la conservation de l’environnement et les conséquences des politiques d’aménagement du territoire.
◆ Une expulsion brutale au nom du développement
En juin 2022, les forces de sécurité tanzanienne ont déployé une opération violente pour expulser environ 70 000 Maasai de leurs terres situées à Loliondo, une région proche du parc national du Serengeti. Officiellement, le gouvernement a justifié ces déplacements forcés par le besoin de conserver la faune et de développer le tourisme, notamment la chasse de luxe. Ces arguments masquent souvent des intérêts privés puissants, notamment des entreprises étrangères qui louent ces terres pour des safaris ou des réserves privées.
Parallèlement, un programme controversé de relocalisation de plus de 80 000 Maasai vivant dans la région de Ngorongoro a suscité une vive opposition. Ce programme, présenté comme nécessaire à la préservation de la biodiversité, a conduit à la création de deux commissions d’enquête en 2023. Ces commissions indépendantes, annoncées par la présidente tanzanienne Samia Suluhu Hassan, devront examiner les violations des droits humains et les impacts socioéconomiques liés à ces déplacements forcés. Elles évalueront notamment les questions foncières et l’accès aux services de base, au cœur des préoccupations des communautés affectées.
◆ La conservation de l’environnement : un prétexte ou une nécessité ?
Le gouvernement tanzanien défend sa politique en affirmant que les activités humaines des Massaï menacent les écosystèmes fragiles de la région. Cependant, des experts en conservation ont souvent souligné que les peuples autochtones, y compris les Massaï, jouent un rôle essentiel dans la protection de l’environnement. Leur connaissance intime de la nature et leur mode de vie durable contribuent à préserver la biodiversité.
La question est donc de savoir si ces expulsions sont vraiment motivées par des impératifs écologiques, ou s’il s’agit d’une stratégie pour accélérer la privatisation des terres au profit du tourisme de luxe ? Les critiques pointent du doigt un modèle économique où la conservation devient une excuse pour exclure les populations locales, tout en favorisant des activités lucratives destinées à une élite internationale.
◆ Répression et criminalisation des Massaï
Les Massaï ne sont pas restés passifs face à ces injustices. Des protestations ont éclaté, mettant en lumière le courage de ces communautés qui refusent de se voir dépossédées. Cependant, la répression a été rapide et brutale. En août 2023, 39 membres de la communauté, ainsi qu’un député, ont été arrêtés pour avoir manifesté contre les expulsions. Ces arrestations s’inscrivent dans une stratégie plus large visant à intimider et à faire taire les voix dissidentes.
Par ailleurs, le démantèlement des services essentiels, comme l’accès à l’éducation et aux soins de santé dans les zones où les Massaï sont relocalisés, aggrave encore leur vulnérabilité. Cela reflète une forme de marginalisation systématique qui pousse ces populations vers l’exclusion. Human Rights Watch, dans un rapport de juillet 2023, a dénoncé ces expulsions forcées sous couvert de « relocalisation volontaire », soulignant que les Massaï sont contraints à quitter leurs terres sans consentement. L’ONG a également rapporté des abus graves de la part des autorités, notamment des rangers attaquant, battant et harcelant les habitants qui ne respectaient pas les nouvelles règles imposées. En outre, le rapport a mis en lumière la réduction du financement des infrastructures essentielles, telles que les écoles et les établissements de santé, limitant ainsi l’accès des communautés Massaï aux services vitaux.
◆ Une lutte mondiale pour les droits autochtones
Le cas des Massaï illustre une tendance mondiale : les peuples autochtones, dépositaires de savoirs uniques et gardiens de nombreux écosystèmes, sont souvent les premières victimes des ambitions économiques et politiques. Qu’il s’agisse de la déforestation en Amazonie, des projets miniers au Canada ou des expulsions en Afrique de l’Est, les autochtones se retrouvent en première ligne des conflits fonciers.
Ces luttes ne concernent pas seulement les peuples directement touchés, mais toute l’humanité. La préservation des cultures autochtones est intrinsèquement liée à la protection de l’environnement et à la diversité culturelle mondiale. En effet, déposséder ces populations de leurs terres revient à perdre des écosystèmes vitaux, et des savoirs ancestraux.
◆ Les appels à l’action
Face à cette situation, des organisations internationales de défense des droits humains et des peuples autochtones appellent à une intervention urgente. Elles demandent au gouvernement tanzanien de respecter ses engagements internationaux, notamment la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur les peuples indigènes et tribaux, ainsi que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Des solutions existent : elles passent par une meilleure reconnaissance des droits fonciers autochtones, une consultation préalable et le consentement libre et éclairé des communautés concernées. De plus, il est urgent de revoir les modèles économiques qui font passer les profits à court terme avant les droits humains et l’équilibre écologique.
◆ Une question de justice
Le combat des Massaï ne se limite pas à une simple revendication territoriale. Il incarne une lutte plus large pour la justice, l’équité et le respect des droits fondamentaux. Soutenir ces peuples, c’est réaffirmer que la dignité humaine et la préservation de la diversité – qu’elle soit culturelle ou environnementale – sont des priorités qui transcendent les frontières et les intérêts économiques.
Il est plus que jamais essentiel de ne pas laisser des communautés comme les Massaï être abandonnées, leur survie est intimement liée à la nôtre, et leur combat doit devenir le nôtre !
« Les peuples autochtones sont les gardiens de la biodiversité et des écosystèmes. Lorsque leurs terres sont détruites, nous détruisons l’équilibre de la planète. », Wangari Maathai
Jessica Baucher
* Crédit photo en tête d’article : ©Pixabay
* Retrouvez nos articles précédents sur la situation des Massaï :
https://www.revue-natives.com/actualites-internationales/2022/04/maasais/
https://www.revue-natives.com/actualites-internationales/2024/06/tanzanie-massai-commission-europeen
https://www.revue-natives.com/actualites-internationales/2024/08/tanzanie-massai/
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