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Nouvelle-Calédonie : les chefs kanak proclament unilatéralement la souveraineté sur leurs terres coutumières


À l’occasion de l’anniversaire de la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France (le 24 septembre 1853, sur ordre de Napoléon III), le Conseil national des chefs de Kanaky, Inaat Ne Kanaky, mouvement indépendantiste, a tenu pendant trois jours son assemblée dans le district de La Roche, sur l’île de Maré, pour la cérémonie la plus importante de l’histoire de cette jeune institution coutumière née en septembre 2022.


171 ans après l’annexion de l’archipel, le Conseil a proclamé de manière unilatérale la souveraineté des chefferies sur leurs territoires coutumiers. En plus des représentants des huit aires coutumières, la cérémonie a réuni des dignitaires venus de la région Océanie : Maoris, Vanuatais, Fidjiens. À noter que les représentants des institutions locales et de l’État n’ont pas répondu à l’invitation. Le grand chef Hyppolite Htamumu Sinewami, ancien sénateur coutumier et président du Conseil des chefs, Inaat Ne Kanaky, considère, que « cet acte permettra au peuple kanak de se libérer du système colonial et de gérer ses affaires de façon autonome ». « C’est un message fort adressé à l’État », a-t-il insisté, lui qui avait déjà adressé une demande d’accompagnement financier « au titre de la dette coloniale » en 2023, demande restée sans suite.


Sénat coutumier et Conseil des grands chefs

En Nouvelle-Calédonie, Sénat coutumier et Conseil des grands chefs se disputent la légitimité pour porter la parole traditionnelle kanak auprès de l’État et peser sur le futur statut du territoire. Ceci, dans le contexte de crise que traverse depuis mai le territoire qui a vu « la mobilisation contre une réforme du corps électoral dégénérer en émeutes qui ont détruit le tissu économique de l’archipel, fait 13 morts, dont deux gendarmes, et provoqué au moins deux milliards d’euros de dégâts », selon l’AFP/Nouméa. Dès février 2023, le Conseil national des chefs avait rappelé à l’État « la souveraineté des chefferies sur leurs territoires coutumiers« , estimant qu’elle a été « reniée et ignorée depuis 1853« .

Pour Maurice Wimion et Victor Gogny, respectivement vice-président et porte-parole du Sénat coutumier, “la souveraineté des chefferies qui s’exerce sur leur zone d’influence coutumière respective est un fait bien établi depuis l’accord de Nouméa” et “ la démarche symbolique [de Inaat ne Kanaky] n’aura de sens que si elle ne remet pas en cause la vision autochtone et le projet de société portés par le Sénat et les conseils coutumiers. Et cela, d’autant plus que, comme l’auront noté tous les coutumiers qui participent aux travaux du Sénat et des conseils coutumiers, les propositions d’Inaat ne Kanaky sont pratiquement des reproductions des résolutions du Sénat coutumier.” Le Sénat coutumier, créée par l’accord de Nouméa en 1998, est censé représenter les autorités coutumières mais le Conseil des chefs a souvent pointé le fait qu’il fonctionne comme « un service du gouvernement » au service des partis politiques locaux.


©Pixabay


Quelles miettes ?
La déclaration du Conseil national des chefs aborde aussi la question de la gestion des ressources de chaque terre coutumière, au-delà des réglementations locales et nationales. Avec en creux l’importance du nickel, une des principales richesses de l’archipel. « On exploite le patrimoine mais les tribus à qui cela appartenait n’ont rien pour vivre, ou des miettes. On a déplacé des clans pour les installer sur des terres incultivables », a déploré Hyppolite Htamumu Sinewami. Pour faire suite à l’assemblée du Conseil national des chefs de Kanaky, deux réunions devraient se tenir : du 7 au 14 octobre, une délégation du Conseil et du Sénat coutumier se rendra au siège de l’ONU, à New York, pour être auditionnée. Puis début novembre, se tiendra dans l’aire Xârâcùù (sud de Grande Terre) une réunion pour poursuivre les réflexions sur « le modèle de gouvernance coutumière » et tenter de recueillir l’adhésion des chefferies n’ayant pas encore répondu.



Le 24 septembre 1853, sur ordre de Napoléon III, le contre-amiral Febvrier- Despointes prend officiellement possession de la Nouvelle-Calédonie au nom de la France et fonde Port-de-France (Nouméa) en juin 1854. L’archipel de Nouvelle-Calédonie devient une colonie française et le restera jusqu’en 1946. Avec l’arrivée massive de Français (colons, bagnards, exilés) à partir de 1864, le peuple kanak est mis en minorité sur son propre sol. À partir des années 1980, de fortes tensions émergent au sein de la population entre les opposants et les partisans de l’indépendance, révélant les clivages communautaires qui perdurent aujourd’hui encore. Un référendum du 12 décembre 2021 a interrogé les Calédoniens sur leur souhait de rester au sein de la République française ou d’accéder à l’indépendance. Ils ont choisi d’y rester à 96,5 % des voix, mais dans un contexte d’abstention très élevée de 56,1 %, l’appel à la non-participation lancé par les indépendantistes ayant été fortement suivi. Ce dernier scrutin constitue dès lors l’ultime étape de l’accord de Nouméa (1998) qui se conclut par le maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France. Les partenaires politiques calédoniens et l’État vont devoir concevoir un nouveau statut (niveau actuel d’autonomie ou autonomie plus grande ?) pour ancrer durablement la Nouvelle-Calédonie au sein de la République française.



Brigitte Postel

*Pour aller plus loin :
Article « Nouvelle-Calédonie : un accord « colonialiste » sur le nickel attise les tensions » – Reporterre




+ Crédit photo en-tête d’article : ©Pixabay



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