Originaire de l’ouest de l’Arctique, Letitia Pokiak, chercheuse et anthropologue, vient de recevoir un prix académique prestigieux pour sa thèse intitulée « Consultation significative, participants significatifs et création de sens : Perspectives des Inuvialuit 1 sur le pipeline de la vallée du Mackenzie et la crise climatique », dans laquelle elle défend que l’industrie et les gouvernements devraient prendre en compte les peuples autochtones afin de reconstruire leurs propres nations selon leurs valeurs et leur avenir.
◆ Suivre son intuition
Alors qu’elle faisait sa maitrise à l’université de Victoria, Letitia a décidé de s’intéresser au manque d’échanges entre les industriels désireux de s’installer sur des territoires autochtones et ces peuples eux-mêmes. Elle a d’abord suivi les développements conflictuels, en 2019/2020 sur les terres Wet’suwet’en 2 et Unist’ot’en en Colombie-Britannique et ceux du Dakota Access Pipeline aux Etats-unis. Par la suite, elle a identifié que les autochtones étaient, chaque fois, marginalisés sur leurs propres terres, qu’ils n’étaient jamais suffisamment écoutés en amont et que cela affectait leur bien-être. Letitia Pokiak a ainsi réalisé que le même processus était sûrement en jeu dans les problèmes climatiques. Souhaitant vérifier ses conclusions personnelles, elle est donc retournée sur ses terres natales à Tuktoyaktuk, dans la région des Inuivialuit, et a commencé à interviewer des anciens, des pêcheurs ainsi que des médiateurs locaux, spécialisés dans les négociations territoriales. Elle voulait connaître leurs avis au sujet de l’affaire de la pipeline de la vallée du MacKenzie et surtout savoir si les accords conclus, en 1977, suite aux négociations, avaient réellement été respectés et si ces installations industrielles avaient affecté le climat dans la région, au cours de ces 40 dernières années.
◆ Reprendre l’Histoire
Sa thèse s’intéresse notamment à la fameuse Commission Berger, qui, pendant 2 ans, a examiné les éventuels impacts de deux pipelines de la vallée du Mackenzie. Il en résulte, qu’à l’époque, les peuples autochtones avaient été consultés par cette Commission, plus que cela n’avait jamais été fait auparavant. Leur conclusion fut que les revendications territoriales des peuples autochtones de la région devaient être entendues et prises en compte avant tout développement industriel et qu’une étude plus large devait être menée. Toute exploitation a donc été interdite pour une période de 10 ans. « Je voulais appuyer ma thèse sur cet exemple qui montre que les gouvernements ont déjà consulté, de manière significative, les peuples autochtones », précise-t-elle. Ses recherches, récompensées dernièrement, soulignent les efforts de son peuple Inuvialuit ayant rendu ces négociations possibles, en 1984, et le rôle important qui leur a été attribué dans ce développement industriel. Son grand-père, Angagaq, qui fut l’un des 217 négociateurs sur le terrain, lui a raconté comment il avait consulté les voisins, les familles de la région, les aînés et les cueilleurs. Elle considère que les récits de celui-ci ainsi que son éducation traditionnelle, à Tuktoyaktuk, l’ont beaucoup inspirée dans son travail. Elle dit avoir écrit sa thèse comme une histoire qui respecte « les traditions autochtones de la narration ».
◆ Une chance de réparation
Dernièrement, Letitia Pokiak a donc reçu une distinction académique 3 de la Western Association of Graduate Schools, la plus prestigieuse école supérieure de l’ouest du Canada, de 14 États américains et de l’ouest du Mexique. Brian Thom, son superviseur de thèse a déclaré : « elle comprend parfaitement quels types de questions nous devons nous poser pour pouvoir faire avancer les communautés autochtones ». Letitia a, elle-même, commenté sa récompense en précisant qu’elle encourageait les Autochtones à rester à l’école le plus longtemps possible et à profiter de l’ensemble des opportunités qui s’offrent à eux ! Elle souhaite maintenant mettre son éducation et son expérience à profit pour aider les communautés autochtones d’une manière ou d’une autre !
- Les Inuvialuit, littéralement « les vrais êtres humains » sont les Inuits qui vivent dans l’ouest de l’Arctique canadien. Ils sont descendants des Thulé qui ont migré vers l’est depuis l’Alaska.
- Peuple autochtone de la Colombie-Britannique au Canada.
- , En sciences humaines, sciences sociales, éducation et commerce.
* Crédit du portrait en tête d’article : @CBC (Submitted by Letitia Pokiak)
* Pour continuer de la suivre… son compte Instagram
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