La guerre fait rage en Ukraine et deux organisations de défense des peuples autochtones s’inquiètent pour l’avenir des Tatars, une minorité ethnique présente dans la péninsule de Crimée, au sud de l’Ukraine.
Depuis le début de l’opération russe le 24 février 2022, beaucoup se soucient du sort des populations présentes sur le territoire ukrainien. C’est le cas de l’ITCI (International Indian Treaty Council), et de l’AAC (Arctic Athabaskan Council), deux organisations internationales agissant pour la protection des peuples autochtones.
Elles se mobilisent actuellement pour protéger les Tatars, une minorité ethnique de confession musulmane résidant principalement en Crimée. Ils sont 280 000 à vivre dans la région, selon un rapport du Conseil de l’Europe, ce qui représente environ 15 % de la population criméenne. En février 2016, le gouvernement ukrainien et le Parlement européen les ont reconnus comme un peuple autochtone à part entière, disposant de droits.
Or, la communauté tatar est persécutée depuis de nombreuses années, notamment depuis l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014. Les séparatistes pro-russes, qui dirigent la région depuis plusieurs années, s’en prennent à ces populations. Avec le soutien des autorités russes, des actes de harcèlement, d’intimidation, ou encore de violences, parfois physiques, ont été perpétrés à leur encontre. À noter que la CIT (Cour Internationale de Justice) a condamné la Russie en 2017 pour les mauvais traitements infligés à leur encontre. Avec les événements de ces dernières semaines, leur sort pourrait empirer.
Tentative de dialogue diplomatique
L’International Indian Treaty Council et l’Artic Athabaskan Council ont cosigné une lettre à destination de Gennady Galitov, l’ambassadeur russe auprès des Nations unies, et de Yevheniia Filipenko, représentante permanente de l’Ukraine à Genève. Dans ce document, les deux organismes rappellent que les Tatars sont reconnus comme population autochtone, et sont donc soumis au régime de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA).
Ce texte, adopté par l’Assemblée générale de l’ONU en 2007, proclame notamment un droit à l’autodétermination des peuples autochtones. En vertu de ce principe, ils ne peuvent être expulsés de leurs terres. Cette disposition n’a cependant pas de valeur contraignante en droit international. Le texte a donc une portée relative.
Dans leur lettre adressée aux deux diplomates, l’ITCI et l’AAC citent aussi l’article 30 de la déclaration, lequel prohibe toute activité militaire sur les terres ou territoires des peuples autochtones, sauf à justifier d’un intérêt public majeur, ou que cette décision soit prise en accord avec les populations autochtones elles-mêmes et à leur demande. À travers cette initiative, ces défenseurs de la cause souhaitent préserver la population tatar de la guerre qui se joue actuellement en Ukraine, bien qu’elle soit l’objet de persécutions de longue date.
Un peuple persécuté depuis des siècles
Bercés par l’islam sunnite, les Tatars sont installés depuis le XIIIe siècle dans la péninsule de Crimée, mais aussi en Turquie ou en Russie. Soumis aux guerres à l’œuvre à l’Est de l’Europe au XXe siècle, ils furent durement touchés par l’Holodomor, terrible famine causée par l’URSS de 1932 à 1933, avant d’être violemment réprimés par Staline.
Après la chute de l’empire soviétique à la fin de l’année 1991, la plupart des Tatars, jusqu’alors déportés ailleurs en Europe, sont retournés vivre sur leurs terres en Crimée. Depuis le retour de la Russie dans la région, l’avenir de cette communauté semble donc incertain, malgré le soutien des ONG et autres organisations internationales.
°Photo en tête d’article : enfants tatars présents lors de la commémoration de la déportation des Tatars de Crimée place Maïdan à Kiev, Adam Jones (Wikimedia Commons), CC BY-SA
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