Les Ogieks, une communauté autochtone vivant principalement dans les forêts des monts Mau au Kenya, ont longtemps été confrontés à des défis majeurs liés à la protection de leurs droits fonciers et de leur identité culturelle. Ces dernières années ont été marquées par des avancées significatives les concernant grâce aux mesures prises en leur faveur par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Alors que le gouvernement kényan s’est récemment vu ordonner de mettre concrètement en place des mesures de réparation, il est essentiel de surveiller leur mise en œuvre.
◆ Gardiens de la forêt
Les Ogieks vivent principalement dans les forêts de la vallée du Rift, au Kenya. Leur histoire remonte à des millénaires et ils ont développé une relation étroite avec leur environnement naturel. Au fil des décennies, ils ont été confrontés à des défis majeurs liés à la dépossession de leurs terres – d’abord par les colons britanniques – et à la préservation de leur culture ancestrale. Ces changements ont eu un impact profond sur leur identité culturelle et leur capacité à perpétuer leurs traditions. À l’origine, ils étaient traditionnellement des chasseurs-cueilleurs semi-nomades, dépendants des ressources forestières pour leur subsistance. Leur vie a cependant été bouleversée au fil du temps par les pressions de la modernisation, les conflits fonciers et les politiques de conservation. Leur mode de vie traditionnel a été menacé par la déforestation, la colonisation des terres et les restrictions d’accès à leurs zones forestières ancestrales. Leurs revendications ont été largement ignorées par les autorités kényanes pendant de nombreuses années et ils ont dû faire face à une marginalisation systématique et à des violations de leurs droits fondamentaux.
◆ Lutte perpétuelle
Au fil des ans, les Ogieks ont continué de devoir faire face à de nombreux défis, notamment l’accès limité à l’éducation, aux soins de santé et à d’autres services de base. Face à ces défis, ils se sont tournés vers la justice pour faire valoir leurs droits. En 2009, Le Service des forêts a ordonné leur expulsion de la forêt de Mau dans un délai de trente jours. Suite à cela, ils ont déposé une plainte auprès de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, alléguant que le gouvernement kényan violait leurs droits en leur refusant l’accès à leurs terres. Bien que le gouvernement kenyan ait été conscient de l’occupation ancestrale des Ogieks dans cette forêt, il a refusé de les reconnaître en tant que peuple autochtone nécessitant une protection. Puis, en novembre de la même année, le Centre pour le développement des droits des minorités (CEMIRIDE) et le Minority Rights Group International (MRGI), deux organisations non gouvernementales, ont déposé une plainte auprès de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Suite à cette saisine et le temps que l’affaire soit examinée, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a ordonné au gouvernement kenyan, par mesure conservatoire, de réimposer immédiatement les restrictions foncières dans la forêt de Mau afin de prévenir de nouveaux préjudices subis par les Ogieks. Après une longue procédure, la Cour africaine a rendu son verdict le 26 mai 2017 et a conclu que le Kenya avait violé leurs droits. Elle a affirmé que les autorités kenyanes n’auraient pas dû les expulser de leurs terres ancestrales, ni les priver de la jouissance des ressources alimentaires qu’elles produisent. Les juges ont également reconnu que les expulsions avaient eu un impact sur leurs pratiques religieuses, portant ainsi gravement atteinte à leur capacité de perpétuer leurs traditions et que le gouvernement kenyan avait fait preuve de discrimination envers les Ogieks en ne reconnaissant pas leur statut de peuple autochtone, contrairement à d’autres groupes tels que les Masaïs. bien que ces derniers aient également été confrontés à plusieurs défis et tensions avec le gouvernement kenyan. Les autorités kenyanes ont ainsi privé les Ogieks de la protection spéciale accordée à ces autres communautés autochtones. Dans une décision ultérieure le 23 juin 2022, la Cour a ordonné au Kenya de prendre des mesures supplémentaires pour réparer les préjudices subis. Cela inclut la délimitation et la démarcation de leurs terres ancestrales, ainsi que l’octroi d’un titre de propriété collective. Cependant, malgré cette victoire juridique, ils ont continué à faire face à des violations de leurs droits entre le rendu du jugement en 2017 et les mesures de réparation ordonnées en 2022. Il reste donc essentiel aujourd’hui de surveiller de près la mise en œuvre de ces nouvelles mesures et de garantir que les droits des Ogieks soient respectés.
L’importance de ces décisions va au-delà de la situation spécifique des Ogieks au Kenya. Elles ont établi un précédent juridique pour la protection des droits des peuples autochtones dans toute l’Afrique. Il est cependant essentiel que le gouvernement kényan poursuive ses efforts pour mettre en œuvre les décisions de la Cour africaine, en collaboration étroite avec le peuple Ogiek. Il est crucial que la communauté internationale continue de les soutenir dans leur quête de justice et de respect de leurs droits fondamentaux !
« Ne détournez pas les yeux, n’hésitez pas. Reconnaissez que le monde a faim d’actes, pas de paroles. Agissez avec courage et vision », Nelson Mandela
Jessica Baucher
+ Crédit photo en-tête d’article : ©Pixabay
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