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L’érosion côtière menace Yalimapo en Guyane

Bien que la vie des Amérindiens kali’na soit menacée par la montée du niveau de la mer et la disparition du sable, ces phénomènes ne sont pas exclusivement attribuables au climat. Cependant, ils représentent une menace persistante. Tandis que le village amérindien de Yalimapo, situé dans l’Ouest guyanais, s’apprête à être englouti, Daniel William, son chef coutumier expose le dilemme auquel son peuple est confronté, oscillant entre la préservation des espèces animales et celle du littoral. Quelle que soit la décision, il demeure inflexible quant à son refus de partir.



 Profonds changements

Sous le ciel bleu et les cocotiers, la plage des Hattes en Guyane offre un paysage digne d’une carte postale, particulièrement pendant la saison sèche. Cependant, lors de la saison des pluies, ce havre de paix situé dans le village de Yalimapo, à l’extrême ouest du littoral près de l’embouchure des fleuves Mana et Maroni à la frontière avec le Suriname, peut plonger dans un cauchemar. Les grandes marées entraînent régulièrement des inondations sur les bancs de sable et les routes avoisinantes. En 2019, le phénomène a atteint des proportions exceptionnelles et a submergé même la route. Bien que les six peuples autochtones de Guyane aient résisté à la colonisation française, leur réalité actuelle est donc marquée par les conséquences des dérèglements climatiques, qui affectent considérablement les territoires qu’ils occupent. Bien qu’ils ne contribuent quasiment pas aux émissions de gaz à effet de serre, leurs moyens de subsistance, leurs modes de vie et leurs cultures sont aujourd’hui mis en péril. De plus, La plage de Yalimapo est un site de nidification crucial pour les tortues marines. Les changements morpho-sédimentaires dus à l’interaction des bancs de boue venant du fleuve Amazone et des rejets du fleuve Maroni menacent les habitats de nidification. Des enquêtes entre 2012 et 2014 ont révélé une érosion inégale de la plage, mettant en péril jusqu’à 40 % des nids de tortues. Cette érosion persistante depuis 2011 pourrait contribuer au déclin des tortues luths dans l’ouest de la Guyane française. Les conditions de nidification, influencées par le changement climatique, soulignent l’importance de stratégies de conservation prenant en compte la qualité du substrat et la dynamique des plages par rapport aux habitats de nidification préférés des tortues marines. La société Kali’na a subi des changements profonds, sans anticiper que le dérèglement climatique, soixante dix ans plus tard, aggraverait encore davantage sa situation. Actuellement, la ville d’Awala-Yalimapo se trouve dans l’incapacité de construire un site de mouillage pour les pêcheurs en raison de la rapidité des changements géomorphologiques liés au dérèglement climatique.




©Pixabay


◆ Le gardien des lieux
Arrivé sur la côte en 1950 à la suite de la départementalisation de la Guyane, Daniel William, chef coutumier de Yalimapo, prend soin des trois-cent habitants du village de Yalimapo, dont cinq d’entre eux sont ses enfants. Il appartient à un peuple itinérant chasseur-cueilleur. La loi de 1946 a contraint à la sédentarisation en regroupant les petites structures d’Amérindiens autochtones en villages, dans le but de leur fournir des équipements et des services publics. Au cours des deux dernières décennies, l’accélération d’un phénomène préoccupant se manifeste dans le Plateau de Guyane. Confronté à l’élévation du niveau de l’eau, Daniel croyait avoir découvert la réponse : « On avait planté des cocotiers en croyant qu’ils nous défendraient contre les vagues. Mais ça ne tient pas. Je le vois à la télé, il y a des gens, des associations, qui renversent des grands cailloux pour bloquer la mer. Et pourquoi pas ici ? Parce que c’est un endroit où les tortues marines viennent, alors il ne faut pas les gêner avec les rochers qu’on pose sur la plage ». En raison de forts courants et de la boue marine, les mangroves, censées servir de remparts naturels, sont arrachées. La mer, en constante progression, s’est rapprochée du village de Yalimapo, engloutissant environ cinquante mètres de côte en vingt ans. Le terrain de football est désormais un souvenir lointain, et les trois cent habitants de Yalimapo sont contraints de déménager vers Awala, l’autre partie de la commune.
Le chef William, qui a consacré toute sa vie à Yalimapo, ne peut même pas envisager de devenir un réfugié climatique !



« La vérité scientifique a pour signe la cohérence et l’efficacité. La vérité poétique a pour signe la beauté .», Aimé Césaire


Jessica Baucher


* Crédit photo en tête d’article : ©Pixabay




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