Le Cerrado brésilien est un paysage de champs entrecoupés de forêts de savane, offrant un terrain propice à l’agriculture intensive, notamment la culture du soja. Cependant, cette expansion agricole est critiquée par les défenseurs de l’environnement en raison de la déforestation rapide. Des étendues significatives sont défrichées en peu de temps, laissant présager une conversion rapide de cette zone en terres agricoles. Fin 2024, l’Union Européenne interdira les produits issus de la déforestation, mais exclura la région du Cerrado sud-américain, principale source de soja pour l’Europe. Des peuples autochtones brésiliens ont souligné cette lacune à Bruxelles, qualifiant la situation de « question de survie ».
◆ Cri d’alarme
La semaine dernière, Eliane Xunakalo, la présidente de la Fédération des peuples autochtones du Mato Grosso était à Bruxelles avec d’autres militants pour demander à l’UE d’améliorer sa législation anti-déforestation. Elle a en effet plaidé pour que l’Union Européenne révise son texte et a souligné l’importance de connaître l’origine du soja et son impact sur le Cerrado. Ce texte adopté l’année dernière interdit en effet l’importation de produits tels que le cacao, le café, le soja, l’huile de palme, le bois, la viande bovine et le caoutchouc s’ils proviennent de terres déboisées après 2020. La nouvelle législation pourrait entrer en vigueur fin décembre, exigeant des entreprises importatrices qu’elles garantissent la traçabilité des produits via des données de géolocalisation. Cependant, la définition des forêts exclut d’autres écosystèmes boisés tels que le Cerrado, source d’une grande partie du soja importé en Europe et où la déforestation a augmenté de 43% l’an dernier. Cette année, la Commission européenne examinera la possibilité d’élargir la législation à d’autres écosystèmes et produits. Une révision législative pourrait être débattue par les États membres et les eurodéputés dès 2025. Dans le Cerrado, les cultures, soutenues financièrement par d’importantes entreprises agroalimentaires, ne sont viables qu’à une échelle considérable sur des sols sableux convertis en terres cultivables grâce à l’utilisation de bulldozers ou de brûlis.
◆ Vu d’ici
En 2022, la France a acheté 3,3 millions de tonnes de soja, dont environ les deux tiers provenaient du Brésil. Alors que le gouvernement actuel envisage d’incorporer le principe de la souveraineté alimentaire dans la législation, les industries de l’élevage de volailles et de bovins demeurent fortement tributaires de ces importations. Boris Patentreger, directeur de l’ONG Mighty Earth en France, a observé qu’au cours de la crise agricole, il y a eu des discussions sur la nécessité de s’assurer que les importations correspondent aux normes de production nationales, mais il n’en a pas été de même pour l’alimentation des animaux. Pour illustrer son propos, il a présenté une brique de lait et des escalopes de poulet français devant des représentants des peuples autochtones brésiliens lors d’une visite en Europe. Il a souligné le lien potentiel entre ces produits et la déforestation au Brésil, en expliquant que ces produits pourtant « français » pourraient cependant provenir d’élevages de bétail alimentés avec du soja brésilien, associé à des cas récents de déforestation : « Il y a de très fortes chances pour que ces deux produits bien français soient issus d’un élevage de bétail alimenté à partir de soja brésilien, explique-t-il. Et qu’une partie de cette ressource soit liée à des cas de déforestation récente », a-t-il déclaré dans une interview reportée par le journal Le Monde. Le 14 mars dernier, l’ONG a publié son premier rapport sur le soja dans le cadre de son programme de surveillance Rapid response. Son objectif est de faire pression sur les acteurs économiques pour réduire les déforestations et la conversion de terres liées à la production de cette matière première, une stratégie qui a déjà été efficace pour l’huile de palme.
« La forêt est un état d’âme… », Gaston Bachelard
Jessica Baucher
* Crédit photo en tête d’article : ©Image par Juilio César Garcia – Pixabay
* Pour aller plus loin :
– Soja, déracine et des ailes (BD : Greenpeace)
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