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Le gouvernement tanzanien veut évincer les Massaï du Ngorongoro

Les Massaï sont un peuple d’éleveurs et de guerriers semi-nomades d’Afrique de l’Est, vivant principalement dans le centre et le sud-ouest du Kenya et au nord de la Tanzanie. Ils appartiennent au groupe des sociétés nilotiques et ont émigré avec leur bétail vers le XVe  siècle depuis le Sud Soudan. En Tanzanie, ils vivent dans des parcs animaliers, en particulier le cratère du Ngorongoro, très fréquentés des amateurs de safari et de chasse aux trophées qui rapportent beaucoup de devises au pays. Le tourisme est en effet l’une des principales sources de devises de la Tanzanie, les safaris et la chasse représentant un cinquième du produit intérieur brut (PIB) et employant près d’un million de personnes.


Des déplacements successifs depuis 1959

En 1959, le gouvernement colonial britannique avait déjà déplacé les Massaï du parc national de Serengeti au parc de Ngorongoro (à environ 230 km) pour favoriser une meilleure conservation des aires naturelles. Mais les terres ont été utilisées pour faire place à des activités touristiques toujours plus nombreuses.
En 2009, tour de vis supplémentaire : le gouvernement a restreint leurs zones d’habitation et de pâturage à un réseau d’« aires protégées ». Selon Amnesty international : « ces restrictions auraient laissé plus de 70 000 Masaïs avec des terrains d’une surface insuffisante pour leurs animaux, et se sont traduites par des pénuries d’eau, exposant leur bétail à un danger de mort ».
Depuis, ce bras de fer entre communautés Massaï et autorités tanzaniennes ne fait qu’empirer, auquel s’ajoute désormais la répression des « résistants » au programme de « relocalisation volontaire » décrété par les autorités mais qualifié d’« expulsions » par les militants des droits humains.


©Brigitte Postel



Intimidations et violences
Le gouvernement a récemment annoncé qu’il allait s’emparer de 1 500 km² de terres villageoises pour en faire une réserve de chasse et attribuer son usage exclusif à Otterlo Business Corporation, une société de chasse émiratie, interdisant aux résidents Massaï de la division de Loliondo, dans le district de Ngorongoro, de vivre sur ces terres, de les utiliser pour le pâturage, ou même d’entrer dans la zone pour chercher de l’eau pour leurs besoins domestiques et agricoles. En fait, quelque 82 000 nomades devraient être déplacés vers le village de Msomera, situé à 600 km de leurs territoire actuel, où on leur propose une maison en échange de leur acceptation. Mais la majorité des habitants résiste et a juré de se battre pour défendre ses terres.


Depuis juin 2022, des gardes forestiers et les forces de sécurité usent d’intimidation et ont recours à des tactiques abusives et illégales, notamment des passages à tabac, des fusillades, des agressions sexuelles, des saisies de bétail et des arrestations arbitraires pour faire plier et décamper les Massaï. Les membres de la communauté Massaï ont relaté à Human Rights Watch qu’ils n’avaient pas été consultés de manière adéquate avant la décision, comme l’exige la loi tanzanienne. « Le déplacement par la Tanzanie des Massai de leurs terres traditionnelles a été dévastateur et met en péril la survie de leur culture », a déclaré Oryem Nyeko, chercheur sur la Tanzanie à Human Rights Watch. « Le gouvernement devrait cesser de saisir les terres des Massaï et adopter un modèle de conservation qui respecte les droits des communautés concernées ». Survival international appuie depuis le début du conflit la demande des Massaï de participer à l’administration de la zone conservée de Ngorongoro et soutient actuellement les populations de Loliondo dans leur campagne visant à empêcher la spoliation de leurs terres.



Médiatisation du conflit
Des plaintes ont été déposées mais les tribunaux n’ayant pas toujours statué en faveur des Massai lésés, des membres de la communauté ont porté leurs doléances devant les principaux bailleurs de fonds du gouvernement, de l’Allemagne à l’Union européenne, les exhortant à suspendre des financements cruciaux et à faire pression sur le gouvernement pour qu’il mette un terme aux violences présumées. « Nous nous adressons aux tribunaux et aux médias parce que nous n’avons pas beaucoup d’autres solutions », a déclaré M. Oleshangay, qui travaille avec le Centre juridique et des droits de l’homme de Tanzanie (LHRC).


« Mais nous nous adressons également aux personnes dont nous pensons qu’elles ont leur mot à dire. Nous leur disons que nous n’avons pas de problème avec la conservation, mais que lorsque vous donnez plus d’argent au gouvernement, cela signifie que vous financez le déplacement de toutes ces personnes. Cela n’a rien à voir avec la nature, c’est du business ».


Fin avril, la Banque mondiale a cédé à des pétitions dénonçant des violations des droits dans un immense parc du sud du pays et a suspendu les nouveaux versements d’une subvention de 150 millions de dollars, se déclarant « profondément préoccupée » par les allégations de violations des droits liées au projet. En juin, l’UE a rayé la Tanzanie d’une autre subvention de conservation de 18 millions d’euros (20 millions de dollars) initialement destinée à ce pays et au Kenya voisin.


Les autorités gouvernementales se défendent en affirmant depuis longtemps que l’expansion démographique des Massai et de leurs troupeaux a pour conséquence d’empiéter sur le territoire des animaux sauvages, ce qui affecte l’accès aux ressources pour les animaux et contribue aux conflits entre l’homme et la faune. Quant aux Massai, ils affirment qu’ils vivent depuis des générations dans les zones de conservation tout en protégeant la terre, la faune, la flore et la biodiversité. Reste que la Tanzanie a prévu de tripler d’ici 2025 le nombre de touristes internationaux et de booster ainsi ce secteur devenu essentiel à son économie…




Brigitte Postel



+ Crédit photo en-tête d’article : ©Brigitte Postel



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