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De l’âme des larmes… au Quai Branly

Depuis le 6 février et jusqu’au 10 novembre, le musée du Quai Branly met en lumière le travail de l’artiste franco-gabonaise Myriam Mihindou. Elle présente une installation inédite célébrant la culture punu à travers des collections d’instruments de musique et des archives sonores du musée. En utilisant céramique, objets, sculptures, et sons, elle exprime sa relation profonde avec sa culture et rend hommage aux pleureuses punu, revisitant cette pratique ancestrale et ses mythes. Son œuvre met en avant la dimension cathartique des chants et des larmes…



◆ Origines
Les pleureuses punu sont profondément ancrées dans la culture traditionnelle du peuple Punu, originaire du sud-ouest du Gabon. Ces femmes, souvent choisies pour leurs capacités spirituelles et émotionnelles, sont chargées d’accompagner le défunt lors des funérailles en exprimant leur douleur par des chants, des lamentations et des larmes. Leur rôle est à la fois symbolique et rituel, visant à soulager la communauté et la famille du défunt en exprimant collectivement le chagrin. Les pleureuses punu ne se contentent pas de manifester une tristesse personnelle, elles canalisent la douleur collective de la communauté. Elles sont considérées comme des médiatrices entre le monde des vivants et celui des ancêtres, aidant à la séparation de l’âme du corps. Ce rôle spirituel est essentiel pour garantir que l’âme du défunt trouve son chemin vers l’au-delà et ne hante pas les vivants. Leurs chants sont souvent accompagnés de gestes codifiés et de pleurs rythmés, créant une atmosphère où la douleur et la spiritualité se rejoignent. Ces performances ont également une fonction sociale, car elles permettent à la communauté de se rassembler autour du deuil et de partager le fardeau émotionnel, renforçant ainsi les liens sociaux.
Devenir pleureuse punu n’est pas seulement une question de sensibilité ou de talent. C’est souvent une tradition transmise de génération en génération. Les jeunes femmes apprennent les chants, les rituels et les gestes auprès des aînées. Cette transmission garantit la continuité de la tradition dans la communauté. Les larmes des pleureuses sont perçues comme purificatrices. Avec la modernisation et les influences extérieures, les pratiques traditionnelles des pleureuses punu ont parfois été confrontées à des transformations. Bien que le rôle ait pu décliner dans certains milieux urbains, il persiste dans les régions rurales où les rites funéraires traditionnels sont encore très respectés. Ainsi, les pleureuses punu, au-delà de leur fonction funéraire, incarnent une mémoire vivante des pratiques spirituelles, sociales et culturelles du peuple punu, et leur rôle dépasse la simple expression du deuil.





© Musée du quai Branly



L’artiste
Myriam Mihindou est une artiste franco-gabonaise née en 1964 à Libreville. Elle explore des thématiques liées à l’identité, la mémoire, et les traumatismes à travers une approche pluridisciplinaire qui inclut la performance, la sculpture, la photographie, l’installation et la vidéo. Formée à l’École des Beaux-Arts de Bordeaux, elle est influencée par ses racines gabonaises et son engagement avec les traditions spirituelles et anthropologiques. Son œuvre, qui intègre des matériaux naturels et des symboles rituels, se concentre sur la réparation des blessures personnelles et collectives, ainsi que sur les rites de passage. Parmi ses projets notables figure l’installation « Ilimb, l’essence des pleurs » au musée du Quai Branly, qui rend hommage aux pleureuses punu. Mihindou expose également dans des institutions internationales telles que le Centre Pompidou et la Biennale de Dakar, et son travail est reconnu pour son impact émotionnel et sa réflexion sur les enjeux universels.




L’exposition
« Ilimb, l’essence des pleurs » offre une exploration profonde des traditions funéraires de la culture punu. À travers une combinaison de sculptures, d’objets céramiques, de formes et de matières, ainsi que d’archives sonores, Myriam recrée une ambiance immersive qui évoque les pratiques ancestrales des pleureuses. L’œuvre se distingue par son caractère performatif et organique, offrant aux visiteurs une expérience multisensorielle qui leur permet de voir, entendre et ressentir la connexion entre l’artiste et sa culture.

Les éléments sonores de l’exposition comprennent des chants et des lamentations. En intégrant ces éléments, Myriam Mihindou met en évidence la dimension cathartique des chants et des larmes des pleureuses.

L’installation propose également une réflexion sur la manière dont ces traditions ancestrales peuvent être réactivées et recontextualisées dans le monde contemporain. En utilisant les collections d’instruments de musique et les archives sonores du musée, elle crée un pont entre le passé et le présent, honorant ainsi la mémoire des pleureuses tout en invitant le public à une contemplation profonde de leur rôle culturel et spirituel.



Jessica Baucher



« L’être humain n’est pas seul à pleurer ; le feu pleure aussi. Ilimb désigne la trace des larmes laissées par la résine qui se consume. », Myriam Mihindou



Myriam Mihindou – Ilimb, l’essence des pleurs, Du 6 février au 10 novembre 2024,  Galerie Marc Ladreit de Lacharrière – Musée du quai Branly

37 quai Jacques Chirac, 75007 Paris (Musée du quai Branly – Jacques Chirac, boite arts graphiques)

Ouvert les mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi, dimanche 10h30 à 19h00Réservation possible


*Pour aller plus loin :
émission Radio France : Myriam Mihindou, les sens des larmes punu au musée du Quai Branly
Émisssion Radio France : «I limb, l’essence des pleurs », l’exposition sensorielle de la Franco-Gabonaise Myriam Mihindou




* Crédit photo en tête d’article : @Musée du Quai Branly – Jacques Chirac

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