En décembre dernier, l’Unesco a nommé à la direction du Centre du patrimoine mondial, le Camerounais Lazare Eloundou Assomo. Ce choix symbolique fort laisse notamment augurer une meilleure promotion et préservation des sites naturels d’exception d’Afrique et, nous l’espérons, la restitution d’œuvres d’arts pillées à l’époque coloniale.
◆ Un talent pour la protection
Suite à un appel à candidatures fin septembre 2021, Audrey Azoulay, présidente de l‘Unesco, a porté son choix sur ce quinquagénaire né au Cameroun et ayant fait ses études en France, à Clermont-Ferrand. C’est la première fois qu’un Africain est nommé à ce poste stratégique, ce qui lui a valu de très nombreuses félicitations. Diplômé d’architecture et d’urbanisme, Lazare Eloundou Assomo a d’abord mené une carrière de chercheur associé au Centre International de la Construction en terre, à l’école d’architecture de Grenoble, spécialisé dans la préservation de l’habitat traditionnel Mousgoum, dans le nord du Cameroun. Il a notamment contribué au développement du Programme du patrimoine mondial pour l’architecture de terre : WHEAP. Il a également formé d’anciens soldats aux métiers du bâtiment, en Erythrée, au Bénin et a piloté, en 1997, un programme de construction de logements en Afrique du Sud, tout près du village natal de Nelson Mandela, son modèle. Entré à l‘UNESCO en 2003, il a dirigé, de 2008 à 2013, l’unité Afrique du Centre du patrimoine mondial et a ainsi œuvré à la restauration des palais royaux d’Abomey au Bénin, de la forteresse de Saint-Sébastien au Mozambique et à la reconstruction au Mali, des mausolées de Tombouctou, démolis par les djihadistes.
Sa prise de fonction est donc un véritable espoir…
◆ Une tâche colossale…
« On ne trouve pas de Notre-Dame de Paris ou de Tour Eiffel en Afrique. Il n’empêche : les forêts sacrées, les villages et quantité de paysages méritent d’être reconnus », précise-t-il. À ce jour, moins d’un dixième des sites, lieux ou biens classés au patrimoine mondial de l’UNESCO se trouve en Afrique, et Le Sierra Leone et la Somalie ne comptent actuellement aucun site répertorié à l’Unesco. Lazare ne va pas manquer d’actions pour améliorer cela, lui qui souhaite aussi remédier aux déséquilibres qui profitent aux pays riches et protéger tous les sites mondiaux menacés par la crise climatique et la guerre, alors que le contre-la-montre sur les questions environnementales est déjà engagé.
L’année qui commence est, de plus, celle de la célébration du cinquantenaire de la convention du patrimoine mondial : « L’occasion d’une grande rétrospective mais aussi d’une réflexion collective sur les meilleures façons de faire prospérer notre démarche pour les cinquante ans à venir », a-t-il déclaré au journal anglais The Guardian, le 20 décembre dernier.
◆ Une chance de réparation
Lazare Eloundou Assomo compte également se lancer dans une mission complexe, celle de la restitution des œuvres africaines dérobées pendant l’époque colonialiste et présentes dans les musées occidentaux. Même s’il ne sera jamais réellement décisionnaire, il espère pouvoir, plus facilement que d’autres avant lui, être le bon intermédiaire. Sur cette question, plusieurs dossiers sont depuis longtemps instruits à l’Unesco, soutien des pays africains, dont celui de la sculpture de la tête d’Ifé (photo ci-dessus), actuellement toujours présente au British Museum de Londres et réclamé par le Nigéria. « Ce n’est pas une défaite que de rendre un bien », précise-t-il. Nous lui souhaitons de réussir là où ses prédécesseurs ont échoué.
Jessica Baucher
+ Crédit photo du portrait de Lazare Eloundou Assomo : @UNESCO
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