Tout d’abord artiste et musicienne, Brigitte Pietrzak a été initiée au chamanisme sibérien par Enkhetuya en Mongolie, à l’âge de 49 ans. Elle est également auteur et vient de publier son quatrième livre Voyages chamaniques et rencontres remarquables chez Mama Éditions. Cette fois, c’est au coeur même de l’essence de ses esprits-alliés qu’elle nous emmène faire un voyage sensoriel, spirituel et poétique. Certaines rencontres ont quelque chose de La métamorphose de Franz Kafka, d’autres résonnent avec le discours de l’ange dans le film La vie est belle de Frank Capra…
Propos recueillis par Jessica Baucher
Dans Voyages chamaniques et rencontres remarquables, vos rencontres avec les ongods1 sont différentes de ces celles de vos livres précédents2, beaucoup plus sensitives et intuitives, pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Dans ce nouveau livre, chaque chapitre est consacré à un voyage et une rencontre, ce qui donne cette impression de densité, ce sont de véritables dialogues avec les esprits-alliés. J’ai eu ce souhait de transmettre mon expérience avec eux, au-delà des concepts et de l’intellect, et de la partager telle que je l’ai vécue de l’intérieur. Chacun de ces échanges singuliers est unique, propre à l’instant durant lequel je l’ai vécu. Ainsi le lecteur peut s’identifier à moi par ses sens et c’est cela qui le bouscule dans sa propre intériorité et lui offre la possibilité de faire voyager sa conscience et de faire ses propres rencontres avec l’invisible. Les ongods nous incorporent et nous informent par le ressenti très fin et subtil que nous en avons. Grâce à des descriptions très imagées, j’ai souhaité que la place du corps soit vraiment au centre et que le lecteur puisse exercer ses propres sens.
Parmi les ongods avec lesquels vous échangez, il y a beaucoup d’animaux : le cheval, le cobra, le loup, l’ours, l’aigle, le cerf, le rouge-gorge et les abeilles mais aussi des éléments naturels : le feu, la pluie, les orbes, les étoiles et des grandes figures, semblables à des archétypes3 : le Bouriate, le cavalier mongol, le chamane déchu, les gardiens des mondes, l’ange et la grande bibliothèque. Y-a-t-il une énergie et des caractéristiques universels propres à chacun d’entre eux ?
Je pense que l’on va au-delà de l’aspect symbolique parce que mes perceptions sont uniques mais pour moi, le loup lèche les blessures, le cobra blanc assure la régénération, le hibou permet de voir dans la nuit et d’approfondir l’obscur. Lorsque je les définis ainsi, cela correspond à mes expériences personnelles, ce ne sont pas des caractéristiques finies mais j’arrive cependant à les reconnaitre dans cette même essence lorsqu’ils viennent à moi. Nous avons chacun des affinités d’âme avec certains esprits, une vibration semblable. Ceux auxquels je suis particulièrement liée sont le cerf et le cobra blanc : « Je prends conscience du nectar précieux que représente le souffle du cobra. Je deviens la force vitale qui régénère et qui nettoie » et je peux faire appel à eux quotidiennement. Ils m’accompagnent d’ailleurs souvent lors des soins que je réalise.
Dans l’un des chapitres, il est question d’un endroit qui contient les mémoires de l’humanité : « ce lieu improbable où s’inscrivent toutes les mémoires depuis le commencement du monde ». Cela ressemble beaucoup aux fameuses annales akashiques4 et aussi à la bibliothèque où loge l’ange dont vous parlez dans Ciel noir, ciel blanc à propos des livres : « le livre est un élément de stabilité déjouant toute tentative tyrannique des pensées à prendre le dessus. Il donne de sa belle verticalité une direction, une ligne de force ». Dans Voyages chamaniques et rencontres remarquables, votre mémoire de l’autodafé de Prague qui a eu lieu en 1933 : « Je me sens à la fois triste et exaltée. Je me retrouve dans une ville pleine d’Histoire, on me dit que c’est Prague. (…) Je suis juive. J’assiste à un autodafé. Je ressens une douleur et une tristesse intense à voir brûler les livres » donne l’impression d’être l’une des raisons pour lesquelles vous aimez tant écrire dans cette vie et même que ce serait l’un de vos rôles en tant que chamane. Qu’en est-il ?
Je pense effectivement que j’ai revécu cette mémoire et que j’ai été confrontée à cette destruction des livres. C’est comme si dans cette vie-là, il y avait une forme de réparation. D’autre part, par rapport à l’autre mémoire que je cite dans ce même chapitre où il est question d’une existence bouddhiste, c’est comme si j’avais eu aussi un ancrage qui m’avait déjà donné une forme d’acquis spirituel.
Dans le cadre du chamanisme mongol traditionnel, vous est-il possible d’avoir un échange sur ces questions de vies passées avec votre chamane Enketuya ?
Bien que nous n’en parlions pas particulièrement, lorsqu’il y a des résurgences de cet ordre, il faut toujours les laisser émerger. Ceci occasionne un nettoyage énergétique à travers la libération des anciennes mémoires. Le fait d’en avoir conscience m’a permis d’avoir un autre niveau de compréhension par rapport à mon existence. Je n’ai cependant jamais rien forcé même si je sais qu’il existe certaines méthodes très intéressantes comme le lying5 d’Arnaud Desjardin, transmise par son maître Swami Prajnanpad.
Vous êtes à la fois héritière d’une tradition et riche de vos autres connaissances spirituelles et en même temps vous participez à l’arrivée de ce « monde d’après » et de nouvelles énergies dont vous parlez dans votre livre, pouvez-vous nous transmettre votre vision ?
Oui les esprits-alliés font leur travail et ils travaillent fort actuellement et nous ne pouvons qu’être dans cette reconnaissance de ce nouveau monde qui vient et être aussi fluide que possible pour se laisser travailler par ces nouvelles énergies. C’est essentiel parce que pour moi, ça touche l’esprit mais aussi la matière. C’est-à-dire que corporellement je suis convaincue que l’on est aussi dans une forme de mutation qui aura pour effet qu’un jour nous n’aurons plus la même apparence, et que certains organes n’auront plus la même utilité. S’il y avait quelque chose de spécifique au nouveau monde qui vient, pour moi, ce serait la notion d’unité. C’est essentiel parce que nous sommes vraiment dans un monde vibratoire. Cette prise de conscience sera évidente pour tous dans les siècles à venir. Il y aura une dématérialisation au profit d’une énergie beaucoup plus subtile. J’en profite d’ailleurs pour annoncer que l’un de mes ouvrages qui paraitra l’année prochaine et qui s’appelle Au-delà du tambour – Lettres à mes esprits alliés parle précisément de ces changements.
« L’opacité disparaîtra peu à peu de vos corps, ils deviendront transparents, pour qu’ils soient sans obstacles, traversés par la conscience. »
Je voulais justement revenir sur un passage dans Voyages chamaniques et rencontres remarquables, dans lequel vous dîtes qu’il ne faut pas : « résister à sa propre métamorphose » à la fois personnelle mais aussi à la métamorphose collective en cours…
Pour cette réponse, j’utilise le mot anglais surrender c’est-à-dire abandon, avec lequel je termine le livre. C’est une expérience très intime qui nous relie à la foi et à la force de l’aspiration avec la Source et qui nous place dans une relation de confiance quoiqu’il nous arrive. Notre métamorphose personnelle s’intègre dans la grande métamorphose. Tout ce qui s’opère pour une personne joue pour le collectif entier. C’est cela qui est intéressant. Ce que tu fais pour toi, tu le fais aussi pour les autres !
« Es-tu autre chose, après tout, qu’un voyageur à travers le temps, chevauchant les vagues du changement ? » Hajjar Gibran
+ Crédit photo en tête d’article : @MAMA EDITIONS / SHUTTERSTOCK
- 1 : Les Ongods sont les esprits protecteurs
- 2 : Ciel noir, ciel blanc (2021); Journal de l’invisible (2021), L’Oracle de la chamane (2021)
- 3 : La notion d’archétype est un concept appartenant à la psychologie analytique élaborée par le psychiatre suisse Carl Gustav Jung (1875-1961) qui le définit par la tendance humaine à utiliser une même « forme de représentation donnée a priori » renfermant un thème universel structurant la psyché, commun à toutes les cultures mais figuré sous des formes symboliques diverses. (source : Wikipédia)
- 4 : Les annales akashiques, également appelées archives akashiques, chroniques akashiques ou encore mémoire akashique, sont un concept ésotérique créé en Occident par des théosophes à la fin du xixe siècle, à partir d’éléments de la philosophie indienne, et popularisé par des ouvrages de Lobsang Rampa, et également dans les pays francophones par ceux de Daniel Meurois et Anne Givaudan. Ce serait une sorte de mémoire cosmique, de nature éthérique, qui, telle une pellicule sensible, enregistrerait les événements du monde. (source : Wikipédia)
- 5 : Le lying est une technique de mise à jour de l’inconscient conçue par Swâmi Prajnânpad. Cette technique vise à purifier le psychisme de ses contenus émotionnels refoulés par une expression aussi complète que possible des affects originels.
Pour aller plus loin…
– Retrouvez l’entretien de Brigitte Pietrzak dans le n°5 de notre revue
– Découvrez Autobiographie d’une chamane française, le prochain livre de Brigitte Pietrzak (parution octobre 2022)
– Le site de Mama Editions
– Les livres autour du chamanisme publiés par Mama Editions
– Les prochaines rencontres-signatures avec Brigitte Pietrzak
+ Retrouvez également l’article de Franck Desplanques : D’un enclos à l’autre – élevage et architecture nomade en Mongolie, dans le dernier numéro de notre revue
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