Dès l’âge de seize ans, la jeune Shina Novalinga, a eu à coeur de partager son besoin de se relier à ses racines ancestrales en même temps qu’elle gérait sa crise d’identité d’adolescente. Pleine de ressources et d’imagination, elle a commencé à publier sur les réseaux sociaux et elle s’est rapidement retrouvée ambassadrice de sa culture avec près de deux millions d’abonnés sur l’application Instagram et quatre millions sur TikTok ! La raison de ce succès repose sur le partage des traditions inuites tel que le Katajjaniq (chant de gorge diphonique) qu’elle pratique en duo avec sa mère dans de nombreuses vidéos.
◆ Trouver sa « voix«
Shina Novalinga est née dans la communauté inuite de Puvirnituq au Nunavik au nord du Québec et elle étudie désormais à Montréal. Du haut de ses vingt-deux ans, elle est animée par la joie de retrouver ses racines autochtones et de les défendre. Sa mère Caroline, chanteuse professionnelle, pratique le chant de gorge traditionnel dans lequel deux femmes, face à face, alternent inspiration et expiration, créant de cette manière une impression de halètement rythmé. Mère et fille chantent toutes les deux depuis des années et depuis deux ans, dans des vidéos que Shina poste sur internet : « C’est énorme, car peu de femmes savent pratiquer ce chant, mais ma mère est l’une d’elles. Elle a appris directement d’un professionnel, un aîné, quelqu’un qui a maintenu la culture en vie et l’a transmise aux jeunes générations. En diffusant cela sur les réseaux sociaux, j’ai l’impression que nos voix, la mienne, celle de ma mère et celle de notre peuple, sont enfin entendues. Nous voulons chanter pour ceux qui ne le peuvent pas », précise-t-elle dans une interview pour le média canadien « enRoute« . Longtemps considéré comme un chant démoniaque, ce chant de gorge inuit, interdit par les missionnaires chrétiens au début du XXe siècle, a presque disparu au Canada. Shina a décidé de le rendre à nouveau populaire dans le monde : « Parfois, nous imitons le son de la nature, parfois le son des animaux, explique-t-elle sur une chaîne de télévision canadienne. C’est bien plus profond qu’une simple chanson. Au début j’avais toujours peur de la réaction des gens. J’avais peur d’être jugée, à cause de ma différence ». C’est grâce à cette pratique qu’elle dit s’être connectée à la part spirituelle de son héritage familial : « Ça a changé ma vie. Ma mère et moi avons une connexion. Chaque fois que nous le pratiquons, c’est très spirituel et émotionnel. Je n’avais pas réalisé à quel point ça pouvait être puissant jusqu’à ce qu’elle me l’enseigne. Ça a changé ma perception des choses, de ce que je veux faire dans le futur ».
◆ Utiliser cette plateforme pour faire le « bien« …
Shina s’engage à faire connaître l’histoire de sa communauté et les violences et traumatismes subis par celle-ci. Son activisme ne s’arrête pas là puisqu’elle s’exprime également, sur son compte TikTok, sur des sujets contemporains tels que les violences conjugales. Elle a même récolté plus de douze mille dollars, qu’elle a donné à des refuges pour femmes en 2021 : « Aider mon peuple a toujours fait partie de mes valeurs, et je sentais que je pouvais utiliser cette plateforme pour faire le bien. J’ai grandi dans un univers de femmes, et il était impératif pour moi de les aider, en particulier celles qui ont subi sévices et traumatismes et qui tentent de porter la cause des femmes autochtones disparues et assassinées. Je continuerai à utiliser ma plateforme dans ce sens, ça m’aide à renouer avec mes racines et mon identité », a-t-elle confié lors d’une interview dans un média canadien. Sa présence sur TikTok lui a aussi permis de nouer des liens avec d’autres peuples qui pratiquent les chants diphoniques tels que ceux de Mongolie, de la Sibérie arctique et de l’Alaska; qu’elle espère pouvoir rencontrer bientôt. En plus des chants et de son activisme, Shina Novalinga communique sur d’autres traditions de sa culture : les légendes, la gastronomie, la confection de vêtements, de bijoux et de tatouages frontaux appelés Tunniit…
Son parcours sur les réseaux sociaux démontre qu’aujourd’hui la jeune génération est tout à fait capable de les utiliser pour porter un engagement fort par des actions concrètes et joyeuses !
« J’ai l’impression que nos voix, la mienne, celle de ma mère et celle de notre peuple, sont enfin entendues. Nous voulons chanter pour ceux qui ne le peuvent pas » Shina Novalinga
Jessica Baucher
+ Crédit photo en tête d’article : ©Shina Novalinga sur son profil Instagram (captures d’écran INSTAGRAM)
Pour aller plus loin :
– Son compte TikTok
– Son compte instagram
– Shina Novalinga et l’identité inuit (vidéo)
– Portrait vidéo de Shina Novalinga avec sa mère
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