Un jeune chaman est un long-métrage réalisé par Lkhagvadulam Purev-Ochir, cinéaste mongole. Le film explore avec sensibilité et intelligence le parcours d’un lycéen en quête d’identité, confronté aux forces du consumérisme et de la foi. C’est une œuvre subtile et poétique qui offre une réflexion profonde sur les dilemmes contemporains de la jeunesse. Le talent remarquable et la justesse de son interprétation ont valu à Tergel Bold-Erdene, l’acteur incarnant le jeune chamane1, le prix de la meilleure interprétation à la Mostra de Venise en 2023, dans la section parallèle Orizzonti, où le film était présenté.
◆ Réalisatrice de l’indicible
Lkhagvadulam Purev-Ochir est une scénariste et réalisatrice mongole née en 1989. Elle a obtenu son diplôme en réalisation à l’Université de Dokuz Eylul en Turquie, avant de suivre une formation en scénario à la FAMU en République tchèque en 2015. Par la suite, elle a obtenu un Master de scénariste en 2018 à l’école KinoEyes au Portugal. Elle a également enseigné à la Mongolian School of Film, Radio, and Television. Purev-Ochir a réalisé plusieurs courts-métrages, dont Mountain Cat (2020), présenté au Festival de Cannes, Sundance et Busan, ainsi que Snow in September (2022), récompensé du Lion d’or du meilleur court-métrage à Venise en 2022 et du Prix du Meilleur court-métrage à Toronto. C’est en 2023 qu’elle a réalisé son premier long-métrage, Un jeune chaman : « Ce que vous voyez dans le film est ma propre expérience du chamanisme. C’est avant tout un événement émotionnel. Les gens ne vont pas chez les chamans pour parler du temps qu’il fait. Ils vont voir les chamans parce que leurs émotions sont démesurées et qu’ils ont besoin d’en parler et d’être entendus ». Dans ce film, la caméra de Purev-Ochir évite la caricature d’un réalisme magique et, à travers des silences vibrants, choisit plutôt de capturer l’indicible.
◆ Tempest in the brain
Dans une yourte obscure, un adolescent vêtu d’un costume traditionnel danse et joue du tambour, incarnant le rôle de chamane. Malgré son apparence mystique, il révèle sa jeunesse une fois la cérémonie terminée. Zé, âgé de 17 ans, est à la fois imprégné de traditions ancestrales et aspire à réussir socialement en tant qu’étudiant studieux. Dans ce premier long-métrage, la réalisatrice mongole, Lkhagvadulam Purev-Ochir, explore la construction identitaire de Zé, un adolescent déchiré entre les traditions familiales et son rôle de protecteur de sa communauté. En suivant son cheminement initiatique fait de tumultes, d’introspections et d’émois amoureux, le film aborde également la désagrégation sociale due à l’exode rural, tout en soulignant le lien profondément enraciné et hérité du chamanisme, de la population mongole avec la nature. La rencontre de Zé avec Maralaa, une jeune fille sceptique à propos de ses pouvoirs chamaniques, ébranle ses certitudes et éveille des sentiments nouveaux en lui. La réalisatrice parvient à capturer avec justesse l’amour adolescent, teinté d’incertitudes quant à l’avenir, entre la pression de la société, les désirs charnels et les remises en question des croyances traditionnelles face à la société moderne. Le film navigue habilement entre spiritualité et rationalité, mettant en avant la bienveillance dans cette exploration des tensions intérieures de ses personnages : « C’était très important pour moi que la thématique « tradition contre modernité » ne soit pas présentée de manière binaire et dialectique. Je ne voulais pas donner le sentiment que le fait d’avoir un rôle traditionnel et un rôle moderne amène à se sentir piégé entre les deux et à devoir irrémédiablement choisir », souligne-t-elle.
◆ Alchimie
Le film offre un regard sincère sur la vie quotidienne de la réalisatrice Lkhagvadulam Purev-Ochir dans son pays. Elle transcende le fossé entre tradition et modernité en démontrant leur coexistence harmonieuse et enrichissante. À travers l’histoire de Zé, elle explore des voies d’émancipation de cette jeunesse tiraillée… Ce film offre la chance d’avoir le point de vue d’une jeune réalisatrice mongole qui peut nous raconter de l’intérieur ce qu’est réellement le chamanisme dans sa société. De plus, la profondeur de Zé, est extrêmement intéressante car elle amène une réflexion sur la capacité qu’a un chamane à capter les émotions et la sensibilité de ses congénères et, la manière dont un acteur s’imprègne du personnage qu’il joue…
[1] orthographe choisie par Natives
Le film est en salle depuis le 24 avril
« J’aime le cinéma de l’indicible, qui cherche à exprimer ce que les mots ne peuvent dire. J’aime le cinéma qui va au-delà de la communication. C’est peut-être pour cela que je m’intéresse à la spiritualité », Lkhagvadulam Purev-Ochir
Jessica Baucher
Photo en tête d’article : Un jeune chaman » de Lkhagvadulam Purev-Ochir. (AURORA FILMS / GURU MEDIA / UMA PEDRA NO SAPATO / VOLYA FILMS 2023)
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