Le prix Cundill History 2024 a été attribué à Kathleen DuVal, professeure d’histoire à l’Université de Caroline du Nord, pour son ouvrage : Native Nations : A Millennium in North America (Random House) retraçant 1000 ans d’histoire de l’Amérique du Nord. Ce livre revisite l’Histoire en mettant en avant le pouvoir et la souveraineté des peuples autochtones, de l’émergence des premiers villages autochtones aux interactions complexes avec les colons européens. En s’appuyant sur des sources variées et des perspectives indigènes, elle propose une nouvelle lecture qui place les peuples autochtones au cœur du récit, redéfinissant ainsi leur rôle dans l’évolution de l’Amérique du Nord, depuis les premières civilisations jusqu’à aujourd’hui, et repensant leur impact sur les dynamiques politiques, sociales et économiques de la région.
◆ Sang rouge
Kathleen DuVal est une historienne américaine spécialisée dans l’histoire des peuples autochtones et des premières interactions coloniales en Amérique du Nord. Professeure d’histoire à l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill, elle est reconnue pour son approche novatrice qui place les peuples autochtones au cœur de l’histoire américaine, en explorant leurs dynamiques de pouvoir, leurs structures sociales et leur souveraineté face à la colonisation européenne. Passionnée par la complexité des relations interculturelles, Kathleen cherche à redonner une voix aux populations autochtones souvent marginalisées dans les récits traditionnels de l’histoire américaine. Elle démontre comment les peuples autochtones ont non seulement résisté aux pressions coloniales, mais ont également influencé de manière significative les trajectoires politiques et économiques de l’Amérique. Dans ses travaux, elle remet en question la vision eurocentrée de la colonisation et propose une histoire plus inclusive qui valorise la diversité des expériences vécues. L’un de ses plus grands livres : Independence Lost : Lives on the Edge of the American Revolution (2015) a par exemple élargi la compréhension de la Révolution américaine en abordant l’histoire des communautés souvent ignorées par le récit traditionnel. Dans cet ouvrage, elle explorait les effets de la guerre sur les peuples autochtones, les Espagnols, les Français et les colons d’origine variée vivant aux marges de l’Empire britannique. En mettant en lumière ces perspectives marginalisées, elle révèlait comment des groupes aux intérêts divers ont influencé le cours de la révolution, et comment leurs alliances et conflits ont façonné le développement politique et territorial de l’Amérique du Nord. Elle est l’autrice de cinq livres essentiels pour comprendre la complexité et la diversité des dynamiques de pouvoir en Amérique du Nord précoloniale et coloniale.
◆ Réécrire l’Histoire
Son dernier livre : Native Nations: A Millennium in North America, qui explore l’histoire des peuples autochtones d’Amérique du Nord sur une période de plus de 1000 ans, lui a valu le prestigieux prix Cundill History 2024. Fruit de 25 ans de recherches, l’ouvrage a été salué pour sa capacité à révéler des aspects souvent méconnus de cette histoire et à remettre en question les récits traditionnels. Kathleen conteste l’idée largement répandue selon laquelle l’arrivée des Européens aurait marqué la fin des civilisations autochtones. Elle démontre plutôt que ces sociétés étaient très structurées et ont su faire face aux défis sociaux, environnementaux et politiques bien avant la colonisation. Elle met en avant la diversité culturelle, économique et politique des peuples autochtones, qui avaient développé des réseaux commerciaux complexes, des structures gouvernementales égalitaires et une relation étroite avec leur environnement naturel.
Ce livre explore également les conséquences dévastatrices de la colonisation, notamment les conflits, les migrations forcées, la perte de terres et la diffusion de maladies, qui ont ravagé les peuples autochtones. Elle montre également comment ces nations ont su s’adapter, en s’alliant entre elles ou avec les colons européens à différentes périodes, afin de préserver leur autonomie et leur identité.
Native Nations: A Millennium in North America aborde aussi la continuité des luttes autochtones dans le monde moderne, en mettant en lumière leurs revendications pour la reconnaissance de leurs droits, y compris les droits territoriaux, culturels et politiques. Ces luttes trouvent un écho dans les événements contemporains, comme celui où la sénatrice autochtone australienne Lidia Thorpe a interrompu un discours du roi Charles pour réclamer un traité et dénoncer le vol de terres. Sa réflexion souligne la pertinence de ces débats aujourd’hui.
Le prix Cundill History, d’une valeur de 75 000 dollars, est l’une des récompenses les plus prestigieuses dans le domaine des ouvrages historiques en non-fiction. Celui-ci a largement été salué dans les milieux intellectuels américains, mais n’a pas encore de date de traduction en France, ce qui pourrait être dû à une crainte que le sujet suscite moins d’enthousiasme en Europe.
La résilience dont sont capables les nations autochtones d’Amérique du Nord, décrite dans le dernier livre de Kathleen DuVal, rappelle le courage des communautés face aux bouleversements profonds et aux forces oppressives. Depuis des siècles, ces peuples ont survécu à la colonisation, aux déplacements forcés et à des pertes inimaginables, en préservant leur identité, leurs valeurs et leurs territoires malgré les assauts des puissances dominantes. N’est-il pas essentiel de tirer des leçons de cette résilience collective ? À l’instar des peuples autochtones qui ont continuellement réaffirmé leur place et leur dignité, il nous revient de constamment défendre les idéaux d’égalité et de justice.
« Aho Mitakuye Oyasin », proverbe Lakota qui signifie « Nous sommes tous liés ! »
Jessica Baucher
Photo en tête d’article : © Pixabay
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