Claire Barré est autrice et scénariste. Après des études littéraires, elle s’est tournée vers l’écriture et a signé plusieurs romans ainsi que des scénarios pour le cinéma et la télévision. Parmi ses œuvres marquantes, La Ballade de Nitchevo (2022) explore les thèmes de la quête de sens et de la transformation intérieure, illustrant déjà son attrait pour les récits initiatiques. Mais c’est en 2014 qu’un événement bouleversant change radicalement son parcours : l’apparition mystique de Sitting Bull, qui l’amène à s’ouvrir au chamanisme et aux traditions ancestrales. Elle partage cette expérience dans Pourquoi je n’ai pas écrit de film sur Sitting Bull (2017) et approfondit le récit intime de sa connexion spirituelle avec Ma vie de chamane (2025) dans lequel elle témoigne de son engagement et nous livre une exploration profonde du monde invisible et de ses propres transformations. Passionnée par les sagesses autochtones, elle a également co-écrit Sun Dancer, Sagesse et Visions d’un Natif américain avec Ernie LaPointe, arrière-petit-fils de Sitting Bull.

◆ Apparition
Dans Ma vie de chamane, Claire Barré raconte comment un événement marquant – l’apparition mystique de Sitting Bull, célèbre chef amérindien – a bouleversé son existence. Ce moment déclencheur, survenu lors d’un déjeuner chez elle, est venu ébranler son univers habituel, jusque-là régi par une certaine rationalité : « Alors qu’aucun signe avant‐coureur n’avait pointé le bout de son aile, que je n’étais ni en quête de sens ni en recherche spirituelle, qu’aucun accident ou deuil ne m’avait frappée les mois précédents, que je me sentais en paix et que le décor était agréablement ordinaire et quotidien…, le visage d’un chef amérindien m’est subitement apparu. Un visage au regard intense qui ne me lâchait pas des yeux et qui paraissait tout aussi réel et présent que les membres de ma famille. Perplexe, je leur ai lancé un : « Je vois un chef indien ! » qui les a fait rire. Sauf que cette apparition était très sérieuse et très concrète ». Face à cette vision aussi troublante qu’inattendue, elle se retrouve propulsée dans une quête de compréhension, qui la pousse à questionner la réalité et à se tourner vers des pratiques ancestrales de guérison.
La figure de Sitting Bull est essentielle dans le cheminement spirituel de Claire. Chef respecté de la tribu Lakota Hunkpapa, il fut l’un des plus grands résistants face à l’expansion coloniale des États-Unis. Son engagement dans la défense des terres et de la culture de son peuple, notamment lors de la bataille de Little Bighorn en 1876, a fait de lui un symbole de courage et de sagesse. Son assassinat en 1890 et le massacre de Wounded Knee, survenu peu après, ont marqué la fin d’une ère pour les nations autochtones d’Amérique du Nord. En découvrant son histoire et celle des peuples amérindiens, Claire a pris conscience du génocide et de l’ethnocide dont ils ont été victimes : « J’ai pleuré en découvrant les tragédies vécues par les Natifs. L’Histoire américaine est colorée par un génocide et un ethnocide originels, jamais reconnus. C’est sur les cadavres des autochtones que s’est bâti l’American way of life. Je le savais, bien sûr. Mais là, je me le suis pris en plein cœur, puisque j’avais, à mes côtés, un homme qui avait traversé toutes ces horreurs et qui me regardait avec intensité, en ayant l’air d’attendre quelque chose de moi. Je lui lançais des coups d’œil emplis de compassion et sentais que les larmes que je versais étaient pour lui, qui ne pouvait plus pleurer ». Plus tard, sa rencontre avec Ernie LaPointe, arrière-petit-fils de Sitting Bull, a renforcé son engagement pour la reconnaissance et la préservation de cet héritage culturel et spirituel.​

◆ Chemin
Le livre alterne entre récits personnels et réflexions philosophiques. Claire évoque son parcours avec sincérité, depuis ses années marquées par des addictions jusqu’à sa renaissance à travers les pratiques chamaniques. Plus jeune, avant cet éveil spirituel, elle avait effectivement traversé une période sombre marquée par les addictions et un profond sentiment d’errance. Elle évoque notamment son usage de drogues psychédéliques dans sa jeunesse, cherchant à travers ces expériences une porte vers l’invisible et un apaisement intérieur. Cependant, cette quête l’avait plongé dans un mal-être grandissant, nourri par une incompréhension et une étrangeté du monde qui l’entourait. Ce chemin complexe, fait d’excès et de désillusions, était cependant devenu son levier de transformation, à mesure qu’elle prenait conscience de la nécessité d’une autre voie : « Les nombreuses drogues et substances psychédéliques prises durant mon adolescence m’avaient permis d’expérimenter de fortes fluctuations d’états de conscience. J’avais perçu des choses merveilleuses, comme observer des symboles anciens gravés dans le ciel ou apercevoir un escalier lumineux descendre de la Lune. Mais, merveilleuses ou non, ces visions avaient une origine claire et disparaissaient dès que la substance quittait mon corps. On absorbe une substance, il y a un effet : on reste dans une logique de causalité. On mange des pâtes, on voit apparaître un chef lakota : la causalité est moins nette.».
Plus tard, suite à l’apparition de Sittig-Bull, Claire a rencontré Elena Michetchkina, une guérisseuse russe, qui l’a confirmée dans son cheminement en la reconnaissant chamane. Cette rencontre a agit comme un déclencheur : elle a compris que ce qu’elle vivait n’était pas une hallucination, mais une ouverture vers une nouvelle perception de la réalité : « Bien que hautement surréaliste, ce diagnostic m’apportait l’explication logique (enfin : chamaniquement logique) que j’avais espérée. D’après Elena, la situation était claire : Sitting Bull était mon guide spirituel et il était venu cogner à la porte de ma conscience afin que je m’éveille et accomplisse ma mission de vie. Par conséquent, je devais apprendre les pratiques chamaniques. L’acceptation de cette mission était incontournable : comme c’était un esprit qui était venu me chercher, si je ne répondais pas à l’appel, il reviendrait. Dans trois jours, trois semaines ou trois ans ».

◆ Transformation intérieure

Loin d’être une simple expérience isolée, l’éveil spirituel de Claire s’inscrit dans un cheminement global vers la guérison et la réappropriation de ses dons. Confrontée à ses propres blessures et aux mystères de l’invisible, elle se lance dans un travail chamanique personnel qui transforme sa vision du monde. Ce processus s’accompagne d’une véritable renaissance intérieure, marquée par la redécouverte d’un lien profond avec la nature et les traditions ancestrales. Au cœur de son apprentissage, le tambour occupe une place centrale. Elle décrit comment, en frappant cet instrument ancestral, elle entre dans un état modifié de conscience. Dans ces moments de transe, elle perçoit des chants et des messages qui ne semblent pas venir d’elle, mais plutôt d’esprits bienveillants venus lui transmettre des énergies guérisseuses. Cet échange vibratoire entre elle et son tambour symbolise l’union entre le monde visible et l’invisible, permettant ainsi à ses capacités intuitives de s’exprimer pleinement.

Son expérience ne se limite pas à une pratique instrumentale. Elle s’initie à une série de rituels et cérémonies qui rythment son quotidien et nourrissent son éveil comme des voyages chamaniques : En entrant en transe, elle explore des dimensions insoupçonnées et reçoit des enseignements qui l’aident à comprendre les mystères de l’existence. Elle fait aussi des diètes de plantes sacrées : ces retraites en pleine nature, comme la diète de rose, lui permettent de se déconnecter du monde matériel pour renouer avec l’essence même de la vie. En parallèle, elle prodigue des soins et accompagnements : accueillant chez elle ceux qui cherchent à retrouver leur équilibre, pour lesquels elle pratique des séances de tambour et partage ses visions, guidant ainsi d’autres âmes.

À travers Ma vie de chamane, Claire nous offre le témoignage vibrant d’une femme qui a osé s’aventurer au-delà des frontières du visible pour embrasser une réalité plus vaste. Son parcours, tantôt tumultueux, tantôt lumineux, révèle que le chemin de la guérison passe par une réappropriation de soi et une ouverture totale à l’inconnu. Elle nous invite ainsi à repenser notre rapport à la vie, à nos proches, à la mort et à la magie inhérente à chaque être.

Parution le 26.03.2025

« Jamais personne ne s’est perdu. Tout est vérité et chemin », Fernando Pessoa – Fragments d’un voyage immobile

Jessica Baucher

+ Crédit photo en tête d’article : @Mama Éditions

Pour aller plus loin…
– Les livres autour du chamanisme publiés par Mama Editions