En Méditerranée, de nombreux rituels sont encore présents et particulièrement en Corse où certaines pratiques et de nombreuses histoires se rapprochent du chamanisme. Le mazzeru, médiateur privilégié entre le Monde Tangible et le Monde Intangible, entre le monde des humains et le monde de l’au-delà, en est l’une des grandes figures. La chaîne Arte a consacré un court documentaire à ces détenteurs de pouvoirs qui sont avant tout des voyants mais qui avec l’évolution de la société se font de plus en plus rares et discrets.
◆ Venus du fond des âges
Le Mazzérisme est un héritage de la première religion des hommes : l’animisme. Le documentaire d’Arte, s’intéresse aux liens des mazzeri avec les pierres et plus particulièrement les mégalithes mais aussi avec la nature : plantes et arbres. Comme dans le chamanisme, l’initiation du mazzeru passe également par cette vocation à laquelle il ne peut se soustraire. Le chercheur Antoine-Baptiste Filippi écrit qu’une très ancienne prière dédiée à Saint-Jacques pourrait reconstituer en partie l’origine même des Mazzeri et il précise que le San Giacumu Lucidoru de cette même prière est sans aucun doute Saint-Jacques de Compostelle : « Saint Jacques Lucidor qui tenait son livre d’or : ce livre parlait et disait tout ce que Notre Seigneur endurait. Nous irons en Petite France ; nous y trouverons les Sarrasins puis encore les Séraphins et qui ne s’inclinera les » mazzeri » trouvera et sept coups de barre de fer rougi sur la tête recevra ».
◆ Relié par les rêves
Le mazzeru, littéralement celui qui chasse est une personne désignée par les esprits et qui en chassant durant ses rêves est capable de prédire la mort de ses congénères. C’est un passeur, un guide pour les défunts dans les mondes souterrains et qui conduit les âmes dans le royaume de l’au-delà. Il a également la charge de libérer les vivants du poids des âmes des morts afin que celles-ci ne les perturbent pas. L’écrivain et poète Roccu Multedo le décrivait ainsi : « Le mazzeru est un homme comme vous et moi, qui fait des rêves de chasse. Il se poste, en esprit, au gué d’un ruisseau. Il abat la première bête sauvage ou domestique qui vient à passer et qui est l’esprit d’un être humain. Après l’avoir tuée, il retourne la bête sur le dos. Il s’aperçoit, alors, que le museau de l’animal est devenu le visage d’une personne de sa connaissance, qui va mourir. Cette personne vivra trois jours au minimum ou un nombre impair de jours, et un an, au maximum. En effet, la bête tuée représentait son âme : c’est pourquoi, privé d’âme, son corps ne tardera pas à dépérir ». De quoi en effrayer plus d’un ! Ce qui explique en partie le silence qui règne encore aujourd’hui à son sujet… Chamanes et mazzeri appartiennent tous deux à une société secrète dans laquelle ils ont passé une série d’épreuves et de rites.
« Les châtaigniers sont pour nous plus que des arbres. Nous les considérons un peu comme des frères », Jean-Claude Rogliano
Jessica Baucher
+ Crédit photo en tête d’article : ©J. Baucher
Retrouvez notre article sur les Mazzeri dans le numéro 5 de notre revue…
Pour aller plus loin :
– Le documentaire d’Arte, disponible jusqu’au 20/09/2023
– La bande-dessinée Mazzeru de Jules Stromboni
– Mal’Concilio de Jean-Claude Rogliano
– Podcast Radio Nova avec l’interprète Barbara Carlotti : « en Corse, le chamanisme est bien vivant »
– Contes et légendes corses
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